A propos de Twelve Monkeys de Terry Gilliam

"I see dead people"

Cole, Le sixième sens

"Oh, j'ai un pote qui a vu l'Armée des Douze Singes,
et il m'a dit qu'il n'avait rien compris. Moi, j'ai pas trouvé
ça si compliqué. C'est même fort simple. Le seul truc bizarre,
c'est le gamin, au début. C'est qui, tu crois?"

Un vendeur de flims

"All I see is dead people"

Cole, l'armée des douze singes

Dans les films de Terry Gilliam, le monde dérape, devient fou. A cause d'une mouche (Brazil), d'un assassinat horrible et gratuit (Fisher King), de drogues (Fear and Loathing in Las Vegas). Bienvenue dans un monde où un petit virus a tout déclenché.

Un homme court, dans un aéroport. Un policier l'abat. Il meurt sous les yeux d'un petit garçon, et dans les bras d'une femme qui a le visage d'un ange.

L'armée des douzes singes est un film épouvantable. C'est un film sans issue. Un cercle d'une infinie tristesse. Rien ne peut être différent. Rien ne peut plus être comme avant. Tout est paradoxe. Jusqu'au dernier plan.

Trente ans plus tard, le monde a changé. Les hommes se sont enterrés pour échapper à la mort virale, celle qui a éradiqué 99% de la population et rendu irrespirable l'air du dehors.

James Cole est un prisonnier. Il n'a pas le droit au choix. Sauf d'accepter ou non une mission dangereuse. Cette mission? Remonter dans le temps, avant le cataclysme, et enquêter. Savoir qui. Savoir pourquoi. Savoir comment.

Notre homme accepte et le voilà propulsé de nos jours, perdu. Nu. Une nouvelle naissance pour lui. Enfermé dans un asile d'aliénés (quoi de mieux pour régler le problème de cet "étranger"!) puis évadé, ses maigres pistes vont le conduire vers une organisation secrète : l'Armée des Douze Singes.

C'est un remake d'un film de Chris Marker. "La Jetée". Je ne l'ai pas vu. J'ai failli le voir un jour, mais malgré tous mes efforts, le temps m'a trahi, et la chaîne de télévision, complice, ne l'a pas passé à l'heure prévue. Ou alors je n'ai pas su programmer le magnétoscope. On ne le saura jamais.

On pourrait presque considérer le paragraphe précédent comme un résumé d'une partie du film. Le temps est un traître, et même pour celui qui en remonte le cours, quelques secondes peuvent faire une différence, une différence tragique entre l'inévitable et ce qui aurait presque pu être évité. Entre mourir en se disant qu'on ne pouvait pas y arriver et mourir en se demandant si on aurait pas pu. La même différence qu'il y a entre échouer et être battu.

C'est un film à la narration complexe, qui demande que l'attention ne soit pas distraite par un paquet de popcorn ou par un bavardage lourd et intempestif. C'est un film qui doit être regardé, pas être vu.

L'homme court dans l'aéroport. Déjà-vu. La balle. L'ange. L'enfant. La mort. L'inéluctable. Encore une fois. Même le soulagement d'une fin nous est refusé. Le spectateur observant le prisonnier héros du film devient lui-même prisonnier d'un film qui l'observe, un sourire bouclé au coin de la bobine. Ultime paradoxe d'un film où la notion même de héros a disparu.