A propos de Cocktail Molotov de Diane Kurys

Ca se passe en 1968. En mai. Forcément, en 1968, il n'y a eu qu'un mois. Mai.

Ils ont dix sept ans, et ils s'aiment. Il y a le couple. Et puis le meilleur ami. Un peu avant que les choses dégénèrent à Paris, elle décide de partir en Israël, dans un kibboutz. Lui, bien sûr ne veut pas y aller. Pourquoi partir ? On est tellement bien ici. Il fait beau. Alors elle décide de partir seule. Ils la rejoignent sur la route, un peu plus loin, à Venise.

Ces trois là, ils s'aiment. L'amour vrai. Oh, bien sûr, il y a le couple. Et puis le meilleur ami, et ça, ils n'y changeront rien. C'est une vraie histoire. Un road movie.

Finalement, elle ne part pas, et ils décident de remonter à Paris, vu que là-bas Enfin, vous savez C'est un film doux-amer, très amer, au fond. Diane Kurys l'a tourné en 1980, mai 68 n'était plus qu'un souvenir, le souvenir mélancolique de ce qui aurait pu changer, de ce qui est resté pareil, au fond. Un film où le seul Cocktail Molotov explose au bord d'une route de campagne déserte, pour voir

Sur la route, on croise des gens. Mai 68, pour eux, c'est un peu lointain, la vie continue couci-couça. Mais ces trois là s'aiment vraiment. Et même si le meilleur ami est un peu amoureux d'elle, il n'en dit rien. C'est un équilibre fragile qu'il ne veut pour rien au monde abîmer. Il sait pourquoi.

"On avait fait une fête pour son anniversaire au lycée. On était tous les deux amoureux d'elle. Elle était un peu plus vieille que nous, elle avait dix sept ans. Toujours habillée en noir. Très belle. Pendant la fête elle est restée un moment à la fenêtre. Et puis elle a sauté. Du quatrième. On a été les premiers en bas. Elle était tombée sur le côté, on aurait dit qu'elle n'avait rien. Elle avait juste un bleu sur la joue gauche. Ils l'ont emmenée à l'hôpital. Elle est morte dans la nuit."

Alors tout doit continuer comme ça. Parce qu'ils s'aiment. Parce qu'ils ne veulent pas souffrir. Parce qu'ils ont déjà grandi. Parce qu'elle est enceinte. Parce qu'on est en 1968, et qu'il faut aller en Suisse pour...

Etre amoureux de la même fille, mais ne rien dire. Fumer une cigarette en leur volant un moment d'intimité au petit matin quand l'eau du lavoir est froide et douce.

C'est étrange comme cette période, ce tout petit mois a pu laisser des traces. Je n'étais pas né. J'ai mal quand j'y pense. Les années quatre vingt n'étaient pas venues avec leur cortège de faux-semblants, de fleurs déjà mortes. Il y avait cet espoir, celui là même qui a brûlé quand on a éteint les derniers incendies.

Il y a dans ce film un magnifique portrait. Anne. Libre, amoureuse, un peu fragile. Elle aime tout ce qu'elle touche, tout ce qui la touche. Elle n'a pas de fleurs dans les cheveux. Elle ne sait pas qui elle est. Elle sait juste qu'elle est. Aussi, quand elle sourit, dans la voiture, à la fin du film, j'espère que tout ira bien, que son amoureux sera toujours là pour elle, que leur meilleur ami restera pour eux, qu'ils seront heureux.

Et puis j'espère que toi, ma petite, mon bébé, tu sauras être heureuse.