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mardi 21 septembre 1999

Un flim grotesque

A propos de Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick

"Le grotesque crée le difforme
et l'horrible, le comique et le bouffon.
Le grotesque est, selon nous, la plus riche
source que la nature puisse offrir à l'art."

Victor Hugo

Eyes Wide Shut est un film grotesque. Si l'on en croit la légende, Kubrick a voulu marquer de son empreinte plusieurs genres: 2001 fut son film de science-fiction. Shining fut son film d'épouvante. Barry Lyndon fut son film éclairé à la bougie. Full Metal Jacket fut son film de guerre. Eyes Wide Shut est son film grotesque.

Grotesque, EWS l'est à plus d'un titre. Oui, EWS fait rire. Oui EWS crée un malaise de part sa difformité même. Oui EWS se moque de vous, de moi, de son auteur. Oui EWS est un pied de nez gigantesque.

EWS fait rire: Le bon docteur Bill, interprêté par un Tom Cruise victimisé par le maître, pose quelques questions à un réceptionniste visiblement sous le charme Kubrick se moque ouvertement de cet homme si "désirable". Un homme un peu trop mur et aux allures de lézard drague ouvertement une Nicole Kidman grisée par l'alcool, usant d'artifices pseudo-intellectuels qui ne font que révèler le creux ambiant. Nicole rit. Nous aussi. Kubrick doit encore en rire dans sa tombe.

EWS est difforme: un monstre lent et visqueux qui s'insinue en vous. Voilà ce qu'est EWS. Une scène plutôt drôle, comme celle où le bon docteur Bill se choisit un costume, peut virer en un quart de seconde à l'inquiétant, voire au carrément glauque. La moindre image transpire le marécage boueux. La déjà célèbre scène de l'orgie n'est pas une scène érotique. Loin s'en faut. La perfection des corps féminins est broyée par l'horreur des masques livides et suintants qui nous renvoient l'image de notre propre voyeurisme. Il suffit de revoir la bande-annonce du film : "Venez voir mon film, les amis, on y voit du sexe!". Oui. Merci monsieur K. On voit du sexe dans votre film. Comme dans Orange Mécanique. Du sexe qui fait froid dans le dos. Du sexe avec des femmes-putes, ou des femmes-victimes, ou bien les deux à la fois. Du sexe sans humanité, caché derrière des masques, ou mis en scène devant un mirroir ou dans un rêve. Du sexe dont l'amour n'est pas absent, mais juste mort. Du sexe mort-vivant.

EWS se moque : On a dit Kubrick obsédé par l'idée de réaliser ce film depuis plusieurs décennies. Pas étonnant de la part de celui qui nous avait présenté le Docteur Folamour. Il a du rire pendant des mois de cette farce macabre. On n'y assassine pas les prostituées. Les prostituées meurent d'une overdose ou du sida. C'est normal. Personne ne doit s'en inquiéter. Et Tom Cruise peut retourner en riant honorer sa moitié. Farce macabre et grotesque. Tout ce qui devrait être caché est révélé. Et c'est de notre déception que Kubrick se moque. Comme il aurait été satisfaisant de lui voir botter les fesses de l'homme en rouge, sauver la fille et retourner guéri vers sa famille! Mais non Cruise ne fait rien. Il subit. Et il cauchemarde.

Laissons Kubrick mourir de rire. Laissons le nous faire croire qu'il a réalisé un film optimiste. Laissons le inventer un improbable happy-end dans un magasin de jouets londonien ultra célèbre (oh! un conte de Noël!) censé figurer un magasin New Yorkais et faire se mordre la queue à son propre serpent en nous renvoyant aux ténèbres du début du film par la seule force d'une ultime réplique: "baiser!".

lundi 20 septembre 1999

La neuvième porte

A propos de La Neuvième Porte de Roman Polanski

grotesque adj.: ridicule.

La Neuvième Porte est un film grotesque. Voilà. C'est dit. N'y allez pas. Je vous prends pas en traître. Vous pourrez pas dire qu'on vous a pas prévenu.