A propos d'Eloge de l'amour de Jean-Luc Godard

Par Jérôme

(un vieillard) l'histoire, est un puzzle. Parce que l'Histoire est un puzzle. Elle confond le regret d'un avenir avec l'espoir d'un passé.

(un homme) et le présent ?

(le vieillard) le présent, c'est la pièce toujours manquante.

(une petite fille) Il n'y a pas d'enfants. Si. Deux petites bretonnes. Elles veulent faire signer une pétition pour voir un film en breton.

(l'homme) quel film ?

(la petite fille) je ne sais plus.

(l'homme) Matrix ?

(la petite fille) Oui. Matrix.

(le vieillard) les catholiques n'ont rien à voir avec les chrétiens. Ils sont d'abord catholiques. Le christianisme est un aspect du catholicisme.

(Eglantine) tu as adoré la scène de la piscine que je joue de profil. Le collier brisé. Tu as adoré la scène du Foyer où je douche le misérable.

(le misérable) Pauperes enim semper habetis vobiscum : me autem non semper habetis.

(Eglantine) tu aurais voulu être le misérable ?

(une fille, africaine) j'ai toujours peur la première fois.

(un jeune homme) elle ne me regarde pas. Elle me parle, mais elle ne me regarde pas.

(la fille africaine) il ne faut pas que je le regarde.

(le vieillard) merci mon Dieu d'avoir révélé aux simples ce que vous cachez aux grands et aux savants.

(la script américaine) you don't like me.

(une fille qui n'aime pas les " américains ") je n'aime pas les " américains ".

(la script américaine) so what ?

(l'homme) j'écris une cantate. Pour Simone Weil.

(un spectateur) quelle Simone Weil ?

(sa voisine) la philosophe.

(le vieillard, à la fille qui n'aime pas les " américains ") j'ai livré ta grand mère à la Gestapo. Ordre des Anglais.

(une image d'archive, Hitler devant des corps entassés.)

(le vieillard) alors quand elle est sortie des camps, je l'ai épousée.

(un ami de l'homme) et votre thèse sur les catholiques pendant la révolution ?

(l'homme) j'ai un autre projet, depuis mon voyage en Bretagne.

(la voisine du spectateur) ce milieu des galéristes juifs spoliés par les nazis, je n'ai pas trop accroché. Et toi ?

(le spectateur) moi non plus.

(la petite fille) Si. Il y a aussi les enfants du Kosovo.

(une victime) pas d'amour sans compassion.

(un soldat) ni sans miséricorde.

(moi) et l'affiche d'Une histoire vraie de David Lynch, tu l'as vue ?

(Eglantine) je n'ai pas été voir le film.

(la petite fille sourit)

(le vieillard) a ceux qui ont beaucoup, on donnera beaucoup. Mais à ceux qui ont peu, on retirera même le peu qu'ils ont.

(l'homme) dans le film, c'est une voix anglaise qui dit ça.

(l'ami de l'homme) et ce projet ?

(la fille qui n'aime pas les " américains ") vous ne me trouvez pas assez belle, c'est ça ?

(l'homme) un projet de film, ou de roman, sur les quatre moments de l'amour.

(la petite fille) la rencontre…

(Eglantine) la rencontre…

(moi) non…

(Eglantine) OK. La passion physique…

(la fille qui n'aime pas les " américains ") la séparation.

(une vieille femme qui lit mal) les retrouvailles ?

(l'homme) non. Vous ne pouvez pas parler des retrouvailles.

(un galériste juif spolié par les nazis) quelque chose de l'amour. Eloge de l'amour je crois.

(le projectionniste) amour de quoi ?

(sa conscience) amour… de quelque chose.

(Eglantine, les deux mains levées) tu ne veux pas de mes retrouvailles avec Perceval ?

(moi) non.

(Eglantine, baissant une main) tu ne veux pas de Perceval.

(moi) non.

(la petite fille) la limite de l'amour, c'est de donner sans limite. Non… ça n'est pas ça.

(l'homme) non. Ça n'est pas ça.

(la petite fille) la mesure de l'amour c'est de donner sans mesure.

(Leonardo di Caprio) Jean-Luc what ? Godarde ?

(le spectateur) c'est de qui, déjà, " la mesure de l'amour… "

(sa voisine) saint Augustin.

(le spectateur) dans quel bouquin ?

(la petite fille) les sermons.

(le vieillard) le titre du film ? Tristan et Isolde. Par Steven Spielberg.

(la fille qui n'aime pas les " américains ") qui a dit " OK " ?

(moi) Eglantine.

(la fille qui n'aime pas les " américains ") zero Killed.

(l'homme) Alors, ça tient la route, tout ça ?

(moi) non.

(le spectateur) pourquoi elle se suicide, Berthe ?

(sa voisine) c'est qui, Berthe ?

(le spectateur) la fille qui n'aime pas les " américains ".

(sa voisine) elle se suicide ?

(le vieillard) toutes les choses passeront, mais mes paroles ne passeront pas.

(une ouvreuse, à une autre) tu es restée jusqu'au bout, toi ?

(la petite fille) toutes ces choses… passeront,… mais mes paroles… ne… passeront pas…

(l'autre ouvreuse) non.