A propos de When the Wind Blows de Jimmy T Murakami

"Ils s'éveillent à l'heure du berger
Pour se lever à l'heure du thé
Et sortir à l'heure de plus rien"

Jacques Brel

When the Wind blows est un chef-d'oeuvre. Si. Mais j'entends déjà des voix s'élever dans les ténèbres, de l'autre côté de mon écran:

"Mais, notre bon Toune, ce flim que tu décris comme un chef-d'œuvre, nous n'en avons jamais entendu parler. Et pourtant on aime bien aller voir les chef-d'œuvres. On est même allé voir 2001 à sa sortie, c'est dire."

Je sais. Ce film, on n'en a pas entendu parler. Et pourtant il n'est pas si vieux (il date de 1986). Le seul problème de ce film est ce qu'on appelle communément dans le langage cinéphilique tounien: "l'excès de réalisme glauque" (Je sais, ça peut paraître un peu pompeux comme ça, mais ça l'est. J'aime bien être un peu pompeux). Et là les voix derrière l'écran s'insurgent:

"Mais, notre gentil Toune, qu'entends tu par excès de réalisme glauque? Et puis d'abord, il cause de quoi ton chef d'œuvre? Et puis, c'est qui les acteurs?"

Ah oui, j'allais oublier ces détails. Il ne s'agit pas d'un film classique. Non, il s'agit d'un dessin animé. Un dessin animé que vous ne montrerez JAMAIS à vos enfants si vous voulez passer des nuits tranquilles. Un dessin animé au dessin naïf. A l'image des deux personnages principaux. Deux personnes agées. Un vieux couple. Jim et Hilda. Qui vivent dans un charmant petit cottage au cœur du Sussex La situation est grave. Le monde est au bord de la guerre nucléaire. Mais nos deux paisibles vieillards ne sont pas trop inquiets. Après tout, ils ont déjà vécu une guerre. Et des bombardements. Et puis avec l'aide du petit manuel de survie édité par le gouvernement, ils sauront se préserver.

Sauf qu'ils sont naïfs. Tragiquement naïfs. Ils vont faire montre de la plus extrème des prudences. Celle qui aurait pu les sauver pendant le blitz. Une prudence qui leur sera fatale.

Quand la bombe explose, environ vingt minutes après le début du film, le réalisateur nous balance l'une des scènes de destruction les plus horribles de l'histoire. Oubliez la pittoresque scène de fin du monde de Terminator 2. Juste bonne à vous filer un vilain froid dans le dos. Celle-ci est plus insidieuse. Moins directement frappante. Mais elle fait partie de celles qui reviendront vous hanter.

Et puis tout est terminé. Tout est gris. Tout est mort. Sauf Jim et Hilda. Qui voudraient reprendre une vie normale. Et qui la reprennent. Pour bientôt être victimes des premiers symptômes. Des premiers maux de tête. De la première fatigue.

Jusqu'au bout, ils resteront fidèles à leurs petites habitudes de vie. Ils vivront. Jusqu'au bout. Petites taches pastel dans un monde gris. Avant d'être absorbés.

C'est un peu pour ça que ce film est oublié. Il est un peu comme ses héros involontaires. Isolé. Perdu dans le train train d'une mort assurée. Sans coup de théâtre, ce qui avait été annoncé arrive. Sans heurt. Au milieu des souvenirs d'une vie rendue meilleure par le temps. D'une vie finalement sans éclat. Un film qu'on ne veut qu'oublier. Parce qu'on ne veut pas savoir ce qui arrive quand on boit l'eau de pluie du jour d'après.

Malheureusement, on ne peut oublier un tel film. Et c'est pour ça que personne n'en parle jamais. Parce que même le film le plus pessimiste ne peut vous préparer à ce choc.

"Let's make an early night, dear..."

"Toune, merci de nous donner envie de voir des flims. Nous allons immédiatement nous mettre à l'opérette."