A propos du Projet Blair Witch de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez

Je hais les séances diapos. Je déteste les films de vacances. J'abhorre les camescopes. Surtout les camescopes. La main tremblante, on filme les premiers pas du petit ou les derniers de la mémé. Et pas un instant on ne songe au malheureux qui, victime du mal des transports, devra ingurgiter ces images floues et tressautantes en essayant d'éviter de régurgiter les huîtres de midi.

Non, les cinéastes du Projet Blair Witch n'ont pas pensé à moi une seule seconde en réalisant leur film. Non, ils n'ont pensé qu'à une chose : provoquer le malaise. Et pour moi, c'est réussi. Oui, je n'ai vu que les dix premières minutes du film. Une envie de vomir presque supportable (mais pas tout à fait) m'a obligé à fermer les yeux sur le reste. Comme je vous l'ai dit, je hais les camescopes. Et aussi les scènes tournées caméra à l'épaule. Enfin, c'est surtout mon estomac qui ne les digère pas, ces scènes. Alors vous pensez bien, une heure et demie de ce traitement !

Et c'est bien dommage. Oui, bien dommage. Car au vu des dix premières minutes, et à entendre le reste, ça avait l'air plutôt bien. L'histoire de ces trois jeunes gens qui partent en forêt pour enquêter sur une mystérieuse légende locale, vous la connaissez. Et vous savez aussi qu'à la fin ils meurent. Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est à quel point le parti-pris de réalisme de ce film peut être totalement déroutant et affolant. Non, vous ne verrez pas de monstres sanguinolant, ni d'images de synthèses incroyables. Non, juste des cris, des fagots, et des petits tas de cailloux (comment je le sais? J'ai un beau-frère très résistant au mal des transports qui a comblé mes absences!). Et vous aurez la trouille. La sale trouille. Celle qui s'insinue lentement comme une envie de meurtre devant une émission d'Arthur. La simple vision d'un sac à dos ouvert peut engendrer plus de peur que trois Godzilla et deux Jacques Martin. D'une scène de confession faite face à une caméra, la nuit, éclairée par une pauvre lampe de poche, suinte la terreur la plus totale, la plus irrépressible.

Alors bien sûr, les esprits chagrins me diront exactement l'inverse. Qu'ils préfèrent les premiers pas du petit dernier, tant qu'à regarder du camescope. Ou bien vidéogag. Et puis que de toute façon, les trucs d'horreur comme ça, on n'y croit pas une seconde et que tant qu'à faire autant voir de jolis effets spéciaux. Oui, c'est vrai. Il y a toujours eu deux camps face aux films d'épouvante : Ceux qui sont tellement intelligents qu'ils voient tout de suite qu'il ne s'agit que d'un film et rient grassement de la petite culotte de Sigourney Weaver dans Alien pendant qu'elle essaie de survivre, et les autres, ceux qui vont se plonger bêtement dans les affres de l'angoisse. L'angoisse qui parfois peut être ressentie au cinéma. Même les yeux fermés.